[<<] [Sommaire] [Fin] [>>]


Acte II



Scène 1: Agénor

Agénor : Espoir, revenez! Revenez dans mon âme.
La princesse respire, entrons dans ce palais.
J'espère y voir encore la beauté qui m'enflamme.
Ô dieux, si mon rival la perdait pour jamais!
Espoir qui me flattez d'un plus doux avenir,
De vos enchantements faudra-t-il me défendre?
Souvent, vous nous faites entendre
Que nos maux sont prêts à finir
Quand le destin jaloux ne fait que les suspendre.
Espoir qui me flattez d'un plus doux avenir,
De vos enchantements faudra-t-il me défendre?
Un amant malheureux et tendre,
D'une erreur qui lui plaît aime à s'entretenir;
Mais que de pleurs à répandre quand il faut en revenir!
Espoir qui me flattez d'un plus doux avenir,
De vos enchantements faudra-t-il me défendre?
La princesse paraît, elle vient en ces lieux
De ses jours conservés rendre grâces aux dieux.


Scène 2: Callirhoé, Agénor

Agénor : La Parque enfin respecte vos attraits.
Callirhoé : Ne vous avais-je pas interdit ma présence?
On sait votre retour, ne me voyez jamais.
Mes volontés sur vous ont bien peu de puissance.
Agénor : J'ai souffert les plus rudes coups
Que puisse craindre un cœur tendre.
Quand le ciel me permet d'attendre
Un sort plus calme et plus doux,
Cruelle, démentez-vous
L'espérance qu'il veut me rendre?
Callirhoé : Epargnez-vous des regrets superflus,
J'ai résolu de réparer ma gloire,
J'épouse Corésus.
Agénor : Ô ciel! Le puis-je croire?
Est-ce un plaisir pour vous que de voir mon tourment?
Que devient mon espoir, cet espoir dont les charmes
Suspendaient de ma mort le funeste moment?
Vous ne répondez rien? Méprisez-vous mes larmes?
Pourrez-vous immoler sans pitié, sans alarme,
Au bonheur d'un rival le plus fidèle amant?
Callirhoé : Ô trouble affreux! Ô jour d'une honte éternelle!
Ces peuples assemblés, ces prêtres, ces apprêts,
Le rang de Corésus, sa vertu, mes regrets,
Quel souvenir! Faut-il que mon cœur le rappelle?
Fuyez, cédez au sort qui nous a séparés.
Agénor : Moi fuir? Moi vous quitter? Vous l'ordonnez, cruelle!
Quoi? Le jour qui vous luit, l'air que vous respirez,
Bonheur que tout sujet partage avec sa reine,
Vous me le refusez à moi seul, inhumaine?
Hélas, j'aurais caché mes soupirs avec soin,
Vos palais, vos jardins m'auraient vu dans ma peine
Suivre en pleurant vos pas, et les suivre de loin.
Que vous me haïssez!
Callirhoé : Que je me hais moi-même!
J'ai fait à Corésus une injustice extrême
Au milieu des serments…
Agénor : Eh! Les avez-vous faits?
Non, vous êtes encore plus libre que jamais.
Callirhoé : J'offense de nos dieux la majesté terrible.
Agénor : Un dieu plus doux et plus sensible
Peut, si vous l'écoutez, vous excuser près d'eux.
Callirhoé : Moi, l'écouter? Non, non, renoncez à vos vœux.
Il faut que mon sort s'accomplisse,
Corésus sera mon époux.
C'est moi qu'il faut que je punisse
D'avoir trop fait pour vous.
Agénor : Pour moi! J'aurais troublé le repos de votre âme!
Callirhoé : Vous savez mon secret.
Agénor : Quoi? Plaignez-vous ma flamme?
Callirhoé : Votre destin n'en sera pas plus doux.
Agénor / Callirhoé : Dieux cruels, quel plaisir prenez-vous à nos larmes?
Agénor : Ô malheureux amour!
Agénor / Callirhoé : Ô funeste rigueur!
Callirhoé : Faut-il éteindre nos ardeurs?
Agénor / Callirhoé : Dieux cruels, quel plaisir prenez-vous à nos larmes?
Dieux cruels, trouvez-vous des charmes
A frapper, à frapper les plus tendres cœurs?
Callirhoé : Que vous m'allez coûter de soupirs et de pleurs!
Agénor : Ah! Puis-je assez goûter de si tendres alarmes?


Scène 3: Callirhoé, Agénor, Corésus et les prêtres de sa suite

Corésus : Que vois-je? Je frémis! Agénor à ses pieds!
Dieux, est-ce là le prix des vœux
Que nous allions vous présenter pour elle?
Vous me trahissez, infidèle.
Callirhoé : Pour mériter ce nom, que vous ai-je promis?


Scène 4: Agénor, Corésus et les prêtres de sa suite

Corésus : Tu t'applaudis de ta victoire
Et de l'affront que je reçois.
Crains d'être trop aimé.
Agénor : Non, j'en ferai ma gloire,
Et vos jaloux transports
Me causent peu d'effroi.


Scène 5: Corésus et les prêtres de sa suite

Corésus : Quel coup vient me frapper?
Ils triomphent tous deux de ma rage inutile.
Interdit, surpris, immobile,
Mon courroux les laisse échapper.
Ne frémissez-vous pas de tant de perfidie?
L'ingrate insulte encore à ma flamme trahie.
Souffrirons-nous ces outrages mortels?
Chœur : Il faut venger ces outrages mortels.
Corésus : Redoutable enfant du tonnerre,
Tes vengeances, Bacchus,
Ont effrayé la terre.
Redoutable enfant du tonnerre,
Tes vengeances, Bacchus,
Ont effrayé la terre.
Venge-toi, venge-moi.
Viens venger tes autels.
Viens venger, viens venger tes autels.
Corésus / Choeur : Venge-toi, viens venger tes autels.
Corésus : Malheur, malheur aux criminels que poursuit ta colère!
Tu déchires un fils par les mains d'une mère.
Malgré les dieux, Orphée a senti tes fureurs.
Signale ton pouvoir suprême,
Répands sur ces climats de nouvelles horreurs
Qui me fassent trembler,
Qui me fassent trembler moi-même.
Répands sur ces climats de nouvelles horreurs
Qui me fassent trembler,
Qui me fassent trembler moi-même.
Corésus / Choeur : Répands sur ces climats de nouvelles horreurs
Qui me/nous fassent trembler,
Qui me/nous fassent trembler moi/nous-même.
Corésus / Choeur : Méritons que le dieu seconde nos efforts;
Pour hommage, il reçoit nos fureurs, nos transports.
Corésus : Le dieu me voit, m'entend, il peut réduire en poudre
Les auteurs, les témoins de mon destin fatal.
Le Thyrse, rival de la foudre,
Du haut des cieux m'en donne le signal.
Il faut un peuple entier pour victime à ma rage.
Venez, venez, suivez mes pas.
De ces flambeaux sacrés, faites un autre usage.
Troublez tous les esprits,
Troublez tous les esprits, désolez ces climats.
De ces flambeaux sacrés, faites un autre usage.
Troublez tous les esprits,
Troublez tous les esprits, désolez ces climats.
Et goûtez le plaisir de venger, de venger mon outrage.
Le fer, le feu, le ravage vont tout remplir d'effroi.
Je triomphe à mon tour, je vois grossir l'orage,
Je vois mes ennemis plus malheureux que moi.


Fin de l'Acte II


[<<] [Sommaire] [Début] [>>]