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Acte III



Scène 1: Callirhoé, la Reine

La Reine : Barbare Corésus, que tu nous fais souffrir!
Les dieux ont trop servi ton courroux implacable.
Ah! Ma fille, faut-il qu'un peuple déplorable
Ne reproche qu'à toi que tu le fais périr?
Callirhoé : J'immolais aux autels le bonheur de ma vie,
Je vous obéissais, mais mon cœur m'a trahie.
La Reine : Le dieu qu'adorent les forêts,
Pan, du sombre avenir découvre les secrets.
Je vais le consulter. Notre espoir peut renaître:
Par mon ordre, en ces lieux Corésus doit paraître;
Priez, pressez, pleurez, tombez à ses genoux,
Dites tout ce qui peut désarmer son courroux.


Scène 2: Callirhoé, Corésus

Corésus : Qu'attend de moi la Reine? On m'appelle en ces lieux.
Callirhoé : La Reine en pleurs lève les mains aux cieux,
Quoi, se peut-il que rien ne les fléchisse?
Corésus : N'attendez pas plus de grâce des dieux
Que vous me faites de justice.
Callirhoé : Le ciel obéit-il aux fureurs des mortels?
Non, non, il va se rendre aux tourments que j'endure.
Corésus : Perfide, oserez-vous embrasser des autels
Témoins de vos serments et de votre parjure?
Callirhoé : J'ai mérité votre courroux,
Puissé-je seule en être la victime!
Mais tout un peuple expire, apprenez-moi son crime.
Corésus : Tout devient à mes yeux criminel avec vous.
Tout ce peuple aux autels m'a vu perdre ma gloire.
Il en faut dans son sang éteindre la mémoire.
Callirhoé : Ah! Barbare, tes vœux sont-ils donc satisfaits?
Tes yeux altérés de carnage
En ont-ils assez vu?
Que veux-tu davantage?
Quoi, tu n'épargneras ni reine ni sujet?
Corésus : Vous ne vous nommez point, ingrate!
Jusques en m'implorant, votre mépris éclate.
Vengeons-nous. Qui peut m'arrêter?
De l'enfer étonné remplissons les abîmes.
Chaque jour, chaque instant
Y va précipiter de nouvelles victimes.
Callirhoé : Et moi, je les devance au ténébreux séjour.
Ta fureur m'y condamne.
Corésus : Arrêtez, inhumaine!
Callirhoé : Cruel, tu veux ma mort.
Corésus : Arrêtez, inhumaine!
Il vous en coûte moins à renoncer au jour
Qu'à flatter mon ardeur d'une espérance vaine.
Hélas, je croyais la haïr.
Infortuné, ne saurais-je jouir
De mon amour ni de ma haine?
Malheureux, tu démens le ciel et tes transports.
Quelle honte pour moi! Quel trouble! Quel remords!
Callirhoé : Le plus grand cœur se rend quand la pitié l'entraîne.
Mais vous aimez nos maux.
Corésus : Vos yeux seuls les ont faits.
J'ai pris dans vos regards mon crime avec ma flamme.
Mon cœur et vos états sans vous seraient en paix:
Vous seule avez banni la vertu de mon âme.
Callirhoé : Quels reproches! Cruel, rien ne peut t'attendrir.
Je perds mes pleurs, ma gloire.
Ah! Laisse-moi mourir.
Corésus : Vous, mourir? Non, vivez! Eh bien, je suis coupable.
Je tremble, je frémis, votre douleur m'accable.
Mon désespoir vous venge assez:
Cachez-moi par pitié les pleurs que vous versez;
Qu'à ces pleurs les dieux s'attendrissent.
Consultez votre oracle, apaisez vos douleurs.
Je vais fléchir les dieux qu'ont armé mes fureurs.
Ils pensent me venger et c'est moi qu'ils punissent.


Scène 3: Callirhoé, la Reine

La Reine : Pour consulter le dieu, voici l'instant heureux:
Sa cour forme à sa gloire une fête nouvelle,
Et ces divinités souffrent qu'une mortelle
Fasse entendre sa voix au milieu de leurs jeux.


Scène 4: Callirhoé, la Reine, le Ministre de Pan, l'Oracle, les Dryades

Le Ministre : Que les mortels et les dieux applaudissent,
Que les mortels et les dieux applaudissent
Au souverain des forêts.
Que les vastes rochers, que les antres secrets
De son nom retentissent.
Chœur : Que les mortels et les dieux applaudissent,
Que les mortels et les dieux applaudissent
Au souverain des forêts.
Les Dryades : Flore lui doit tous ses attraits;
D'un printemps éternel nos compagnes jouissent.
Chœur : Que les vastes rochers, que les antres secrets
De son nom retentissent.
Les Dryades : Nos beaux jours y fleurissent
Dans les douceurs d'une éternelle paix.
Chœur : Que les vastes rochers, que les antres secrets
De son nom retentissent.
Les Dryades : Que les bergers lui rendent hommage;
Il protège nos hameaux;
C'est à lui seul que l'amour doit l'usage
De tendres chalumeaux.
Chœur : Que les mortels et les dieux applaudissent,
Que les mortels et les dieux applaudissent
Au souverain des forêts.
La Reine : Daignez interroger le dieu sur nos malheurs;
Qu'il se rende à vos vœux,
Qu'il se rende à mes pleurs.
Le Ministre : Dieu puissant, sois-nous favorable,
Tu perces le sombre avenir.
Dieu puissant, sois-nous favorable,
Tu vois par quel secours nos maux peuvent finir.
Chœur : Par ta puissance,
Rends l'espérance;
De nos malheurs
Efface les horreurs.
Dieu redoutable,
Sois favorable;
Romps tous les coups
Du céleste courroux.
De ce rivage,
Bannis l'orage;
Daigne à jamais
Exaucer nos souhaits.
Le Ministre : Le dieu fait sentir sa présence,
Il enchaîne les vents, il fait taire les eaux;
Les arbres n'osent plus agiter leurs rameaux.
A toute la nature, il impose silence.
Mortels, respectez sa puissance;
Ecoutez, mortels, écoutez.
L'Oracle : Le calme à ces climats ne peut être rendu
Qu'au prix que les destins veulent de votre zèle:
Que de Callirhoé le sang soit répandu,
Ou celui d'un amant qui s'offrira pour elle.
La Reine : Ton sang, ma fille! Ô ciel! Ô réponse cruelle!
Callirhoé : Il ne veut que mon sang. Ah! Je rends grâce au sort;
Vos sujets sont sauvés, je chéris sa vengeance.
La Reine : Quoi, ma fille, mes yeux, mes yeux verraient ta mort?
Vous, flattez Calydon d'une heureuse espérance:
Gardez sur la victime un éternel silence.
Je veux encore interroger les dieux.
Peut-on verser trop tard un sang si précieux?
Gardez sur la victime un éternel silence.


Fin de l'Acte III


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