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Scène 1: Callirhoé, la Reine | |
| La Reine : |
Barbare Corésus, que tu nous fais souffrir! Les dieux ont trop servi ton courroux implacable. Ah! Ma fille, faut-il qu'un peuple déplorable Ne reproche qu'à toi que tu le fais périr? |
| Callirhoé : |
J'immolais aux autels le bonheur de ma vie, Je vous obéissais, mais mon cœur m'a trahie. |
| La Reine : |
Le dieu qu'adorent les forêts, Pan, du sombre avenir découvre les secrets. Je vais le consulter. Notre espoir peut renaître: Par mon ordre, en ces lieux Corésus doit paraître; Priez, pressez, pleurez, tombez à ses genoux, Dites tout ce qui peut désarmer son courroux. |
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| Corésus : | Qu'attend de moi la Reine? On m'appelle en ces lieux. |
| Callirhoé : |
La Reine en pleurs lève les mains aux cieux, Quoi, se peut-il que rien ne les fléchisse? |
| Corésus : |
N'attendez pas plus de grâce des dieux Que vous me faites de justice. |
| Callirhoé : |
Le ciel obéit-il aux fureurs des mortels? Non, non, il va se rendre aux tourments que j'endure. |
| Corésus : |
Perfide, oserez-vous embrasser des autels Témoins de vos serments et de votre parjure? |
| Callirhoé : |
J'ai mérité votre courroux, Puissé-je seule en être la victime! Mais tout un peuple expire, apprenez-moi son crime. |
| Corésus : |
Tout devient à mes yeux criminel avec vous. Tout ce peuple aux autels m'a vu perdre ma gloire. Il en faut dans son sang éteindre la mémoire. |
| Callirhoé : |
Ah! Barbare, tes vœux sont-ils donc satisfaits? Tes yeux altérés de carnage En ont-ils assez vu? Que veux-tu davantage? Quoi, tu n'épargneras ni reine ni sujet? |
| Corésus : |
Vous ne vous nommez point, ingrate! Jusques en m'implorant, votre mépris éclate. Vengeons-nous. Qui peut m'arrêter? De l'enfer étonné remplissons les abîmes. Chaque jour, chaque instant Y va précipiter de nouvelles victimes. |
| Callirhoé : |
Et moi, je les devance au ténébreux séjour. Ta fureur m'y condamne. |
| Corésus : | Arrêtez, inhumaine! |
| Callirhoé : | Cruel, tu veux ma mort. |
| Corésus : |
Arrêtez, inhumaine! Il vous en coûte moins à renoncer au jour Qu'à flatter mon ardeur d'une espérance vaine. Hélas, je croyais la haïr. Infortuné, ne saurais-je jouir De mon amour ni de ma haine? Malheureux, tu démens le ciel et tes transports. Quelle honte pour moi! Quel trouble! Quel remords! |
| Callirhoé : |
Le plus grand cœur se rend quand la pitié l'entraîne. Mais vous aimez nos maux. |
| Corésus : |
Vos yeux seuls les ont faits. J'ai pris dans vos regards mon crime avec ma flamme. Mon cœur et vos états sans vous seraient en paix: Vous seule avez banni la vertu de mon âme. |
| Callirhoé : |
Quels reproches! Cruel, rien ne peut t'attendrir. Je perds mes pleurs, ma gloire. Ah! Laisse-moi mourir. |
| Corésus : |
Vous, mourir? Non, vivez! Eh bien, je suis coupable. Je tremble, je frémis, votre douleur m'accable. Mon désespoir vous venge assez: Cachez-moi par pitié les pleurs que vous versez; Qu'à ces pleurs les dieux s'attendrissent. Consultez votre oracle, apaisez vos douleurs. Je vais fléchir les dieux qu'ont armé mes fureurs. Ils pensent me venger et c'est moi qu'ils punissent. |
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| La Reine : |
Pour consulter le dieu, voici l'instant heureux: Sa cour forme à sa gloire une fête nouvelle, Et ces divinités souffrent qu'une mortelle Fasse entendre sa voix au milieu de leurs jeux. |
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| Le Ministre : |
Que les mortels et les dieux applaudissent, Que les mortels et les dieux applaudissent Au souverain des forêts. Que les vastes rochers, que les antres secrets De son nom retentissent. |
| Chœur : |
Que les mortels et les dieux applaudissent, Que les mortels et les dieux applaudissent Au souverain des forêts. |
| Les Dryades : |
Flore lui doit tous ses attraits; D'un printemps éternel nos compagnes jouissent. |
| Chœur : |
Que les vastes rochers, que les antres secrets De son nom retentissent. |
| Les Dryades : |
Nos beaux jours y fleurissent Dans les douceurs d'une éternelle paix. |
| Chœur : |
Que les vastes rochers, que les antres secrets De son nom retentissent. |
| Les Dryades : |
Que les bergers lui rendent hommage; Il protège nos hameaux; C'est à lui seul que l'amour doit l'usage De tendres chalumeaux. |
| Chœur : |
Que les mortels et les dieux applaudissent, Que les mortels et les dieux applaudissent Au souverain des forêts. |
| La Reine : |
Daignez interroger le dieu sur nos malheurs; Qu'il se rende à vos vœux, Qu'il se rende à mes pleurs. |
| Le Ministre : |
Dieu puissant, sois-nous favorable, Tu perces le sombre avenir. Dieu puissant, sois-nous favorable, Tu vois par quel secours nos maux peuvent finir. |
| Chœur : |
Par ta puissance, Rends l'espérance; De nos malheurs Efface les horreurs. Dieu redoutable, Sois favorable; Romps tous les coups Du céleste courroux. De ce rivage, Bannis l'orage; Daigne à jamais Exaucer nos souhaits. |
| Le Ministre : |
Le dieu fait sentir sa présence, Il enchaîne les vents, il fait taire les eaux; Les arbres n'osent plus agiter leurs rameaux. A toute la nature, il impose silence. Mortels, respectez sa puissance; Ecoutez, mortels, écoutez. |
| L'Oracle : |
Le calme à ces climats ne peut être rendu Qu'au prix que les destins veulent de votre zèle: Que de Callirhoé le sang soit répandu, Ou celui d'un amant qui s'offrira pour elle. |
| La Reine : | Ton sang, ma fille! Ô ciel! Ô réponse cruelle! |
| Callirhoé : |
Il ne veut que mon sang. Ah! Je rends grâce au sort; Vos sujets sont sauvés, je chéris sa vengeance. |
| La Reine : |
Quoi, ma fille, mes yeux, mes yeux verraient ta mort? Vous, flattez Calydon d'une heureuse espérance: Gardez sur la victime un éternel silence. Je veux encore interroger les dieux. Peut-on verser trop tard un sang si précieux? Gardez sur la victime un éternel silence. |
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